La Fondation Abbé Pierre en Île-de-France nous a posé quelques questions. Extraits de l’interview complète publiée dans la lettre d’information du mois de mai 2020 :

Comment fonctionne la Banque Solidaire de l’Équipement ?
Gauthier Faroux (chargé de développement du programme) : Après des années de galères et d’attente, l’accès au logement est un moment de grande joie, mais générateur aussi de tensions ou de stress. Que faire face à un appartement vide ? Comment s’équiper dignement avec 200 € ? Par quoi commencer ? Chaque jour la BSE apporte une réponse à ces questions au sein de ses appartements témoins. Les structures partenaires du programme (CCAS, CHRS, CHU, FJT, opérateurs AVDL …) nous orientent les clients-bénéficiaires, qui sont alors conseillés individuellement dans l’usage des équipements proposés. Nous leur donnons ainsi le temps de se projeter dans leur nouveau logement, la possibilité de choisir ce dont ils ont besoin et se faire plaisir.
Du linge de maison aux ustensiles de cuisine, du petit-électroménager à la literie en passant par la décoration : tout est neuf et provient des dons réalisés par nos entreprises partenaires.
Co-construit par Emmaüs Défi, les services sociaux de la Mairie de Paris et le groupe Carrefour, ce programme permet de faire économiser en moyenne 480 € par foyer.

Quels constats faites-vous sur Paris et Aubervilliers (sur le public, les similitudes ou différences entre les 2 sites…)
GF : Initialement lancé à Paris, le programme s’est déployé à Lyon en 2016 puis à Aubervilliers en 2018. Partout nous avons retrouvé la problématique de la précarité matérielle, dimension sous-estimée du mal-logement. « Les logements sont vides. Quand nous rencontrons les familles, en faisant un point sur leur situation sociale et matérielle, on se rend compte que c’est impensable de leur donner les clés sans le minimum pour s’installer » nous indiquait le coordinateur de la plateforme d’accompagnement du Logement d’Abord 93.
À Paris comme en Seine-Saint-Denis, le panel de ménages accueillis est très large. Sur les quelques 80 nouveaux bénéficiaires mensuels, la majorité sont des femmes. Comme Leila, beaucoup d’entre elles élèvent seules leurs enfants. Nous recevons plus de jeunes (- de 30 ans) dans le 93 que dans nos autres antennes. Ils étaient 30 % en 2019, en cohérence avec l’accent mis par le département sur ce public spécifique. Véritable outil pour les travailleurs sociaux, la BSE vient ainsi s’adapter aux enjeux propres à ses territoires d’implantation.

Mère isolée de deux enfants, Leila a attendu 8 ans en centre d’hébergement d’urgence puis en hôtel social avant d’entrer dans son premier logement, à 32 ans, 2 mois avant le confinement. Elle ne dispose aujourd’hui que de deux casseroles et des vêtements qui font office de matelas pour dormir par terre. Leila fait partie des 2 millions de personnes en France privées de tout confort chez elles, et attend la fin du confinement pour s’équiper à la Banque Solidaire de l’Equipement (BSE).

Vous avez publié en Avril un communiqué de presse « Ici on vit sans lit, sans vaisselle, sans aucun meuble », quel message souhaitiez-vous faire passer ?
GF : Durant la période de confinement et en vue d’anticiper la reprise, les équipes de la BSE ont régulièrement été en contact avec les bénéficiaires et leurs travailleurs sociaux. Il nous a paru important de partager les témoignages recueillis, criants sur les conséquences de la précarité matérielle comme celui de
Madame S. : « J’ai l’impression de faire du camping à long terme » ou de Madame D. : « Il manque le gros électroménager comme le frigo donc je fais les courses tous les jours quasiment. »
L’appropriation du logement est une condition sine qua non de la stabilisation durable des plus démunis, et cela passe en partie par l’équipement. Bien qu’exacerbées par la situation, les difficultés constatées existent en permanence et risquent de s’accroître. Nous appréhendons de voir les budgets des plus précaires se réduire encore après cette crise. Si c’est le cas, notre programme aura besoin de soutien pour « permettre à chacun de rester debout dans les mois à venir », comme le disait récemment Christophe Robert de la Fondation Abbé Pierre.
En clair : « Si un logement est indispensable pour vivre, un chez-soi l’est tout autant pour se reconstruire durablement. »

Concrètement, comment vous aider ?
GF : Aujourd’hui, la BSE c’est 14 000 personnes touchées dont plus de 6 000 enfants. Nous souhaitons aller plus loin et poursuivre le déploiement. La coopération avec les acteurs publics est capitale pour prioriser et animer nos territoires d’implantation. Nous souhaitons aussi challenger nos modes de fonctionnement si cela permet de capter le public pour lequel ce programme est le plus pertinent : collectivités, bailleurs sociaux et structures d’accompagnement social sont autant d’interlocuteurs possibles.
Pour les entreprises qui souhaitent valoriser leurs invendus, nous sommes perpétuellement en recherche de dons d’équipement de la maison pour maintenir une gamme complète et le choix dans nos appartements témoins.
À l’attention de la société civile, si certain.e.s souhaitent s’engager à nos côtés, nous recherchons des bénévoles et services civiques pour aider à la réalisation des missions logistiques et opérationnelles (prise de rdv avec les bénéficiaires, aide au retrait des commandes, etc).

« Avant, je devais dormir par terre. Maintenant, quand j’ai des proches qui viennent chez moi, je suis fière de les faire dormir dans de si beaux draps », Mme F., bénéficiaire de la BSE Aubervilliers.