« Ici on vit sans lit, sans vaisselle, sans aucun meuble »
Habiter un logement sans équipement : une réalité que le confinement exacerbe
Un article témoignage réalisé par les équipes de la Banque Solidaire de l’Équipement
La crise sanitaire que nous traversons actuellement et les mesures de confinement qui y sont associées rappellent à tout un chacun l’importance de se sentir bien chez soi pour tenir durant cette longue assignation à résidence. Alors à quatre dans un appartement avec « une seule petite table, un micro-onde sur une chaise avec cafetière par-dessus » on imagine bien que « c’est très dur à gérer ».
Au-delà du suivi des personnes accompagnées, et de l’organisation des premiers rendez-vous à caler dès la reprise d’activité, l’équipe de terrain de la Banque Solidaire de l’Équipement portée par Emmaüs Défi a souhaité témoigner de cette problématique peu connue du grand public : la précarité matérielle extrême d’une partie de nos concitoyens, qui ne peuvent pas vivre « comme tout le monde ». Nous vous présentons ici le témoignage de personnes qui, dans des logements parfois vides, « se débrouille[nt] » et celui de travailleurs sociaux, qui s’organisent pour répondre aux besoins fondamentaux des plus démunis dans ce contexte inédit.
« On dort tous par terre. »
De nombreuses familles se trouvent en situation d’inconfort matériel et de promiscuité car les chambres, bureaux ou salons ne sont pas aménagés en conséquence. « J’ai quatre enfants qui dorment sur des matelas gonflables. » Monsieur H., « Là on dort toute la famille sur le canapé, c’est pas facile » Madame S. en couple avec deux enfants, « J’ai l’impression de faire du camping à long terme » Madame S. seule avec un enfant. Ne pas avoir de quoi cuisiner développe également des situations de précarité alimentaire : « J’aimerais au moins seulement des casseroles ou de quoi me faire à manger, je n’ai pas d’assiette. » Monsieur M., « Il manque le gros électroménager comme le frigo donc je fais les courses tous les jours quasiment. » Madame D.
« C’est dur pour les enfants et on a la crainte de sortir. »
Être « enfermé chez soi » dans un profond dénuement matériel empêche d’instaurer un climat de bien-être familial. Les impacts sont multiples, et ne préservent personne. Ainsi les études des enfants en pâtissent-elles durement : « Les enfants prennent du retard à l’école » souligne Madame M., cheffe de service au CHRS Cité Saint Martin (75), « C’est difficile aussi pour le suivi de la scolarité, il y a des profs très mobilisés qui appellent parce qu’ils savent que les familles n’ont pas d’accès à internet. » association France Horizon, Gagny (93).
« Je n’ai ni meubles ni rideaux, mes voisins d’en face pensent que je squatte et vont finir par appeler la police ! »
À ces problématiques s’ajoute une accentuation de l’isolement. Si l’attribution d’un logement social est souvent perçue comme un moment de joie, il peut s’avérer difficile de s’intégrer dans un quartier que l’on n’a pas choisi, et en particulier dans ce contexte : « Le confinement accentue l’isolement [et les] éloigne de leur environnement social et familial. Pour les familles qui ont emménagé récemment, elles n’ont pas eu l’occasion de nouer des liens avec le voisinage. » Madame K., travailleuse sociale à Interlogement 93, « Je n’ai pas de connexion internet et dans ce contexte les voisins ne sont pas solidaires pour un partage de connexion. » Madame Y.
« On n’a pas […] internet, on galère à faire des attestations. »
L’isolement peut être d’autant plus fort que les moyens de télécommunication ne sont pas toujours installés ou maîtrisés « Les gens n’ont pas forcément internet, ou d’adresse mail ou ne peuvent pas aller recharger leur forfait. » indique Madame M., travailleuse sociale à l’association Coallia (93).
« Durant cette période, nous, travailleurs sociaux, observons notre public vivre plus difficilement les inégalités sociales et l’isolement dus au confinement. »
On observe une diminution des ressources causée par l’impossibilité d’aller travailler, de retirer de l’argent au guichet, ou d’effectuer des démarches administratives. Le manque d’équipement est donc une double peine pour des personnes qui, du fait de leur situation à l’entrée en confinement, sont des publics très touchés par les mesures gouvernementales.
« C’est difficile de travailler quand on ne peut pas voir les personnes de visu. »
De surcroît, la complication des échanges avec les professionnels du travail social (télétravail, arrêt des visites à domicile, démarches administratives mises en pause, etc.) met à mal le suivi et l’accompagnement des ménages : « On passe beaucoup de temps au téléphone avec eux, on les guide comme on peut » reprend Madame M., « C’est difficile de travailler quand on ne peut pas voir les personnes de visu. La communication par téléphone est compliquée, surtout pour les personnes qui ne parlent pas bien français, alors on essaie de faire des appels WhatsApp, des gestes en vidéo. » nous informe à nouveau Madame M., de l’association France Horizon (93). En ressortent des situations de fragilité et de détresse : « On est travailleurs sociaux mais on n’est pas préparés pour faire de l’humanitaire, parce que c’est ce qui se passe, là. » Madame D., travailleuse sociale à l’association les Enfants du Canal (93)
Si ces témoignages soulèvent l’inquiétude, ils réaffirment la pertinence et l’importance de notre action. L’équipe de la BSE est intervenue dès en amont du confinement afin de permettre à un maximum de bénéficiaires de récupérer les équipements commandés. Elle reste mobilisée pour maintenir le lien avec les ménages concernés, les structures sociales partenaires et les entreprises donatrices pour maintenir la disponibilité des équipements, faire perdurer notre action et concrétiser, grâce aux partenariats, le droit de pouvoir vivre dignement chez soi.
La Banque Solidaire de l’Équipement…
…est un programme qui aide des personnes auparavant hébergées provisoirement en foyer, dans des centres d’hébergement d’urgence, des bidonvilles ou à la rue, à s’équiper en neuf et à petit prix au moment de leur entrée dans un nouveau logement pérenne. Comment ? En récupérant des équipements de la maison neufs auprès d’entreprises partenaires, que nous revendons ensuite à prix modiques à des ménages dans le besoin, tout en leur proposant un accompagnement sur le budget et des conseils d’utilisation lors de rendez-vous dédiés dans nos 3 boutiques actuelles : à Paris, à Lyon et à Aubervilliers. Et bientôt à Lille et à Toulouse, car nous œuvrons à l’ouverture de nouvelles antennes avec les acteurs locaux !
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