Depuis 2012, la Banque solidaire de l’équipement d’Emmaüs Défi aide les personnes quittant la rue ou les centres d’hébergement à équiper dignement leur nouveau foyer. Grâce à des dons recueillis auprès d’entreprises partenaires, elle permet à ses bénéficiaires d’acquérir des équipements neufs à des prix très faibles par rapport à ceux proposés dans les magasins traditionnels. L’établissement d’un chez-soi, avec tout le nécessaire matériel du quotidien, devient ainsi bien plus envisageable.

« Construire un foyer après avoir trouvé un toit ». C’est la mission que se donne Emmaüs Défi, structure d’économie solidaire et d’insertion appartenant au mouvement Emmaüs, au travers de sa Banque solidaire de l’équipement (BSE). Elle favorise également l’insertion durable dans la société, en employant des personnes en situation de grande précarité avec des programmes d’intégration progressive et d’accompagnement global et concerté. Située 6 rue Archereau dans le 19ème arrondissement de Paris, la structure prend place au sein d’un ancien marché couvert alimentaire reconverti en lieux de stockage, de vente et en bureaux. S’y retrouvent les activités traditionnelles d’Emmaüs Défi, à l’instar de la collecte des dons de particuliers, revalorisés si besoin puis revendus au sein d’un magasin dédié à l’occasion.

Positionnée au cœur des 950 m² de locaux, la BSE délivre pour sa part exclusivement des équipements de maison neufs fournis par des entreprises partenaires. « Sur le principe des banques alimentaires, nous récupérons des équipements invendus ou des fins de série pour aider les gens à s’installer vite et bien chez eux et sécuriser leur parcours dans le logement, explique Vanessa Engel, responsable de la BSE. Le fait de ne rechercher que du neuf nous permet, outre l’établissement d’un référentiel d’équipement stable dans le temps, d’avoir un impact très important sur la dignité des personnes. » Carrefour, premier groupe à avoir approuvé et supporté le projet, a très vite été suivi par Seb et les Galeries Lafayette. Ils ont été rejoints depuis par plusieurs équipementiers de la maison et distributeurs spécialisés : Leroy Merlin, Dodo, ECF, Findis, Delamaison, Camif, Socomaille et tout récemment Tediber, Conforama, Maisons du Monde et Rue du Commerce. Outre leurs dons en objets de première nécessité (matelas, chaises, vaisselles, linges de maison…) et en électroménager (cafetières, machines à laver, aspirateurs…), certaines entreprises partenaires comme Carrefour et Sogaris apportent également à la BSE un soutien logistique, par la transmission de leurs expertises métier et une aide au transport et au stockage des marchandises.

Dons en nature et découvertes

Des salariés en parcours d’insertion, répartis en deux équipes tournant le matin et l’après-midi, récéptionnent les dons, les stockent, les inventorient, puis les préparent et les livrent si demandé. Un tiers des mille cinq cents commandes passées en moyenne sur une année sont en effet livrées au domicile des bénéficiaires, pour la somme de vingt euros. La grande majorité des équipements proposés par la structure d’Emmaüs France sont stockés dans un entrepôt de 2 400 m² situé à Tremblay-en-France (93), mis à disposition gracieusement par Sogaris, aménageur et gestionnaire de sites logistiques. La BSE dispose qui plus est d’une flotte de véhicules en propre pour venir récupérer les dons, qui peuvent également être livrés directement par leurs mécènes.

Après avoir établi la liste des références à réapprovisionner, les salariés d’Emmaüs Défi effectuent des rotations hebdomadaires entre l’entrepôt de stockage et les locaux du 19e. Ils peuvent s’appuyer sur l’outil de gestion Salesforce, intégré et adapté sur mesure par le cabinet de conseil Accenture. « La solution nous permet de gérer nos stocks, nos bénéficiaires et nos ventes, détaille Vanessa Engel. Nous rentrons un à un nos équipements et nos réceptions et disposons ainsi d’une visibilité sur les dons reçus et d’un historique précis. C’est un outil capital au quotidien dans la gestion opérationnelle et qui nous donne une grande crédibilité auprès de nos partenaires. » Engagé également auprès d’Emmaüs Défi dans l’élaboration d’une plateforme de dons en ligne, Accenture a développé gratuitement la solution Salesforce dans le cadre d’un mécénat de compétence.

Les clés de la reconstruction

Avec le dispositif « Premières heures » inventé par Emmaüs Défi en 2009 et l’accompagnement global du programme Convergence mis en place, les salariés sous contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI) de vingt-six heures travaillent aux côtés de personnes encore sans-abri. Ces dernières, orientées par des travailleurs sociaux d’autres associations et services de proximité, bénéficient d’un dispositif conçu pour s’adapter à leur situation précaire. Ne travaillant que quatre heures par semaine en premier lieu, elles peuvent allonger si elles le souhaitent leur période d’activité, en passant petit à petit à des périodes hebdomadaires de huit, douze, seize, et jusqu’à vingt-six heures. « Premières heures a depuis été repris par la Ville de Paris, se réjouit Vanessa Engel. Une dizaine de chantiers d’insertion reprennent désormais ce programme pour permettre une intégration très progressive des salariés. »

Emmaüs Défi, qui emploie au total cent quarante salariés, a créé grâce à la BSE quinze postes de ce type depuis sa création. Les salariés y restent en moyenne deux an et demi, mais peuvent y exercer des fonctions diverses jusqu’à cinq ans. Durant leur parcours au sein d’Emmaüs Défi, ils sont épaulés dans leurs démarches, et peuvent être embauchés entre autres par les entreprises partenaires de l’association. Deux mille trois cent familles ont déjà pu s’équiper à la BSE, qui peut se féliciter d’avoir pu vendre plus de soixante-quinze mille pièces en à peine cinq ans d’existence.

Plus d’une porte qui s’ouvre

Ses bénéficiaires sont guidés rue Archereau par les services sociaux parisiens ou les associations spécialisées. Ils ont droit à trois rendez-vous étalés sur une période de six mois, le premier devant être effectué avec un accompagnateur. « Nous sommes un des dispositifs parmi d’autres types d’aides financières pour l’aide à l’équipement, explique Emmanuelle, en charge de l’équipe d’accueil de la BSE. Les personnes orientées vers notre structure peuvent disposer de tous les objets de la vie quotidienne pour vivre chez elles normalement et ne pas continuer à ‘’camper’’. Elles listent leurs besoins et prévoient un budget en fonction de leurs finances et d’un catalogue que nous leur fournissons. Ici les prix sont sans concurrence. Ils correspondent à 20 ou 25 % de ceux affichés en magasin, et ce toute l’année. Ce sont les soldes en permanence ! » Pour mieux se représenter ce que pourrait donner leur nouveau chez eux équipé, les bénéficiaires visitent un appartement témoin implanté au milieu des locaux d’Emmaüs Défi, au sein duquel les références mises en vente sont exposées avec leur prix et positionnées méticuleusement comme dans un lieu d’habitation. Une table, des chaises et des couverts habillent ainsi un salon fictif, jouxtant une petite chambre meublée et une simili-cuisine où une cafetière à quatre euros installée sur une étagère figure à côté de casseroles flambant neuves. Tout est fait pour que la constitution d’un foyer confortable ne soit plus une lointaine chimère.

Confortée dans sa démarche autant par les acteurs sociaux, les entreprises, les salariés que les bénéficiaires, Emmaüs Défi vient d’ouvrir une antenne de la BSE à Lyon, qui sera inaugurée le 2 février prochain. D’ici 2020, elle souhaite en créer dans trois autres grandes villes.

 

Pour retrouver l’article : http://www.voxlog.fr/reportage/20/banque-solidaire-de-l-equipement-d-emmaus-defi-le-travail-comme-levier-d-insertion