Pour les 10 ans d’Emmaüs Défi, devenez acteur de la lutte contre l’exclusion

Proposer un travail aux personnes à la rue est la base de notre action. Mais cela ne doit pas faire oublier la nécessité de lutter sur tous les fronts.

 

Voilà dix ans qu’Emmaüs Défi est engagé, à Paris, auprès des grands exclus, pour les aider à retrouver une place digne dans la société. Dix ans que nous faisons ce pari apparemment insensé: donner une nouvelle chance à ceux qui sont à la rue.

Le pari n’est pas aussi fou qu’il y paraît: en dix ans, près de 600 personnes ayant connu la rue ont repris une activité, commencé un parcours d’insertion, bref retrouvé la dignité. Ils sont les premiers héros de cette aventure. Ils déploient des efforts immenses pour sortir de l’ornière de l’exclusion. Cette reconquête n’est pas un chemin facile et il faut leur dire notre admiration.

Accompagner ces personnes nous a appris beaucoup: rien n’est jamais sûr ni acquis. Mais, tout de même, voici quelques convictions tirées de ces dix ans de combat et utiles pour l’avenir.

Première conviction: le travail est un levier efficace pour construire une dynamique d’insertion. Mais cela ne doit pas faire oublier la nécessité de lutter simultanément sur tous les fronts.

Proposer un travail aux personnes à la rue est effectivement la base de notre action. L’équipe d’Emmaüs Défi collecte, trie et vend à des prix solidaires les dons des particuliers. Avec plus de 1.300 tonnes d’objets collectés et 297.000 articles vendus en 2016, le réemploi est au service de l’emploi. Avec cette activité, les salariés retrouvent bien plus qu’une fiche de paie: une place dans la société, la considération des autres et donc un nouveau regard sur eux-mêmes. Pour proposer vraiment du travail à toutes les personnes à la rue qui le souhaitent, nous avons initié le dispositif « Premières heures ». Il permet aux sans-abris de reprendre progressivement une activité, d’abord quelques heures par semaine puis d’augmenter progressivement jusqu’à un travail quotidien.

Travailler est nécessaire mais pas suffisant. Le cercle vicieux de l’exclusion entraîne tout: pas de logement, pas d’accès aux soins, un cortège de tracas en tous genres. Nous expérimentons donc, depuis 2012, avec les associations et services spécialisés, un accompagnement global, « Convergence », qui intègre non seulement l’emploi mais aussi la santé et le logement.

Deuxième conviction: les formes multiples, complexes et évolutives de l’exclusion nécessitent une innovation constante pour faire évoluer les outils de l’accompagnement en s’appuyant sur les besoins du terrain.

Un dispositif tel que « Convergence » ne peut exister qu’en partant de la situation concrète des personnes. C’est parce qu’elles montraient le besoin d’un accompagnement renforcé que les formes et les moyens de cet accompagnement ont été mis en place. C’est parce qu’elles avaient besoin d’une temporalité plus longue et moins stricte pour accomplir leur parcours que le calendrier a été ajusté. C’est enfin parce qu’elles disaient leur désarroi face à la multiplicité d’interlocuteurs que nous avons entrepris de les décloisonner et de fluidifier les parcours.

Troisième conviction, enfin: la lutte contre l’exclusion exige d’inclure tous les acteurs dans le combat.

Un exemple: la Banque Solidaire de l’Équipement. Lorsqu’on sort de la galère pour accéder enfin à un logement, on s’aperçoit qu’on n’a rien pour transformer ce toit en véritable foyer. Ni matelas, ni table, ni réfrigérateur ou cocotte-minute… Or, ces ménages ne disposent que de petits budgets. Nous avons donc mobilisé les entreprises: Carrefour, par exemple, a accepté de nous confier des équipements invendus, des fins de série… Les services sociaux nous adressent les clients bénéficiaires et nous leurs vendons à des prix très légers les équipements dont ils ont besoin.

C’est donc la coopération de tous les acteurs qui est déterminante: les associations agissent, sur le terrain, aux côtés des personnes accompagnées. Les entreprises font une place aux salariés et mobilisent leurs ressources humaines, matérielles, financières. Les institutionnels soutiennent et structurent et, enfin, les politiques doivent inciter les expérimentations, les évaluer, puis en intégrer les conclusions afin de donner aux acteurs de terrain des moyens d’action adaptés, efficients et durables.

Et vous, lectrice, lecteur? Face à la détresse des personnes que vous croisez, vivant dans la rue, vous aussi, vous pouvez agir. Chacun à votre niveau: plutôt que de les vendre ou de les jeter, donnez ce vêtement que vous n’aimez plus ou ces assiettes dépareillées. Imaginez d’autres formes de participation. Parlez de notre combat dans votre entreprise ou votre administration, réfléchissez avec vos collègues à la façon dont elle pourrait contribuer –pas uniquement en argent: le mécénat de compétences ou les aides concrètes en nature peuvent aussi être très utiles.

Décidez de devenir un acteur de la lutte contre l’exclusion.

 

Par Rémi Tricart, directeur d’Emmaüs Défi & Jacques Desproges, président d’Emmaüs Défi

 

Pour retrouver la tribune : http://www.huffingtonpost.fr/remi-tricart/pour-les-10-ans-demmaus-defi-devenez-acteur-de-la-lutte-contre-l-exclusion_a_23230671/