Par Rémi Tricart, directeur général d’Emmaüs Défi, et Dominique Besançon, déléguée générale de Dons solidaires.

Tribune. Avec plus de 9 millions de pauvres et 4 millions de personnes mal logées, leur rôle n’a jamais été aussi déterminant pour lutter contre la grande exclusion. Pourtant, avec ce projet pour l’année 2020, le gouvernement a décidé d’introduire une réforme du mécénat qui porte un coup terrible au secteur de la solidarité. La diminution du taux de défiscalisation accordé au mécénat d’entreprise va entraîner une baisse des dons pour le secteur associatif.

Ainsi, c’est le modèle de la Banque solidaire de l’équipement d’Emmaüs Défi, ainsi que ceux de nombreuses autres associations sans but lucratif œuvrant contre la grande précarité et reposant sur des dons d’invendus neufs, comme Dons solidaires, qui se trouvent menacés. Une dérogation pour ces structures de soutien aux plus démunis s’impose, au même titre que celle accordée à l’aide alimentaire et aux produits d’hygiène.

Depuis sa création, la Banque solidaire de l’équipement a pu équiper plus de 5 000 familles comme celles de Stan, qui après plusieurs années en centre d’hébergement a obtenu un logement pour son fils et lui, ou de Djamila, mère de trois enfants, dont un de moins de 1 an ; en se basant sur le modèle des banques alimentaires, et grâce à des dons d’invendus neufs d’entreprises partenaires, la Banque solidaire de l’équipement vend à prix symboliques des biens d’équipement de première nécessité à des personnes en situation de grande précarité et accédant à un premier logement. Concrètement, ces dons d’équipements de première nécessité (matelas et sommiers, tables, chaises, vaisselle, gros électroménager) permettent chaque année à plus de 1 000 familles de s’installer décemment dans leur nouveau logement, de pouvoir y dormir, y manger, y cuisiner, y vivre en famille et s’y maintenir. En effet, les personnes sans domicile, lorsqu’elles obtiennent un logement, n’ont pas les moyens de l’équiper, s’endettent et prolongent une phase de camping. C’est le cas d’Aïssatou et de ses trois enfants qui ont été contraints de manger par terre pendant un an. Grâce à la Banque solidaire de l’équipement, les enfants de Jean-Pierre peuvent «enfin inviter leurs copains d’école», et Deborah a pu faire pour la première fois un gâteau avec sa fille après cinq ans passés à l’hôtel.

L’association Dons solidaires, quant à elle, redistribue chaque semaine, grâce aux dons de nombreuses entreprises, plus de 800 000 euros de produits de première nécessité non alimentaires à environ 600 associations partenaires en France, centres d’hébergement, épiceries sociales, foyers d’enfants, accueils de jour, etc. Les centaines de milliers de personnes démunies accompagnées par ces associations peuvent ainsi bénéficier de produits neufs de qualité, tels que des dentifrices, shampoings, déodorants, couches et serviettes hygiéniques. Les dons des entreprises sont essentiels pour lutter contre la précarité quand on sait que 3 millions de personnes en France se privent de produits d’hygiène de base faute de moyens.

Certaines mères priorisent les achats pour leurs jeunes enfants, comme Claire, 40 ans : «Pour mon fils, je fais l’effort. Moi, je peux rester sans avoir de gel douche, mais lui non.» Quand d’autres, comme Isabelle, 44 ans, adoptent des stratégies de contournement : «Le shampoing, c’est trop cher, je n’en achète pas. On se lave les cheveux avec du savon.» Ou encore Maria, 28 ans : «On lave à la main, on trempe dans les seaux, quelquefois on a de la lessive par l’association, sinon on utilise le liquide vaisselle ou le savon.»

A l’heure où le projet de loi de finances passe en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, nous demandons d’exclure de la réforme du mécénat les dons d’équipements de première nécessité au même titre que l’exception obtenue pour les produits d’hygiène de base. Les dons de produits neufs non alimentaires collectés et redistribués par la Banque solidaire de l’équipement et Dons solidaires sont essentiels pour permettre aux structures d’aide aux plus démunis d’accomplir leurs missions. Le monde associatif ne relèvera pas seul le défi de la grande précarité, nous avons besoin de l’engagement des entreprises.

 

Lien de la tribune : https://www.liberation.fr/debats/2019/12/17/pour-lutter-contre-la-precarite-il-faut-l-aide-des-entreprises_1769763